Antoine de La Garanderie
A paciência de Antoine de La Galanderie
Um homem cujo olhar convencia. Lembro-me dele, ao cruzar-me com ele. A Teresa, porteira do ICP, disse-me que a mulher dele tinha morrido dias antes e que ele já andava por ali, como se nada fosse. Não posso imaginar, contrariamente a ela, o seu enorme sofrimento pela enorme perda.
Texte de Thierry de la Garanderie:
"Il aimait les chemins de campagne, il aimait s’engager d’un pas décidé, le cœur ému par les spectacles de la nature, l’esprit en alerte et en attente d’intuitions nouvelles. Pour lui le corps et l’esprit étaient inséparables : marcher était penser, penser était marcher, poursuivant des horizons de sens multiples, horizons qui se constituaient peu à peu devant lui, suivant les sinuosités, les contours et les détours des chemins qu’il empruntait.
Il y eut ainsi des chemins que plus personne n’osait suivre ; menaient-ils nulle part ? Non ! Ces chemins semblaient obstrués, car on ne les arpentait plus. Notre penseur, Antoine de la Garanderie, s’y risqua : « les phénomènes performants sont-ils évidents ? Faut-il s’en remettre exclusivement à une explication par le don ? N’y aurait-il pas d'autres sources explicatives qui nous feraient comprendre comment on s’engage sur les chemins de la connaissance ? »
Et Antoine de la Garanderie se mit en chemin ; l’histoire de sa vie fut celle d’un penseur en marche continuelle, à la découverte d’une faune et d’une flore si riches qu’il ne cessa jamais de s’émerveiller. Il emprunta ainsi un premier chemin qui fut long et exigeant (des années 1950 jusqu’à la fin des années 1980) : ce premier chemin fut expérimentaliste. Antoine de la Garanderie fit de nombreuses expérimentations, nourri qu’il était par la pensée de Burloud et celle des psychologues expérimentalistes ; il procéda à la façon d’un Claude Bernard, partant d’observations, élaborant des hypothèses (Et si les « cracks » avaient des habitudes de sens ?), se risquant à des vérifications et constatant que ses intuitions ne démentaient pas les réalités psychologiques et pédagogiques. Il fallut, après plus de vingt ans de recherches, proposer une modélisation qu’il trouva (dans son exigence de similitude) dans l’œuvre de Bachelard, La Philosophie du non : le concept bachelardien de profil épistémologique devint « profil pédagogique » (Parution en 1980 des Profils pédagogiques). En avait-il terminé avec ses recherches ? Non ! Ce n’était là qu’une modélisation provisoire susceptible de recevoir par la suite une validation épistémologique, mais susceptible aussi de quelque évolution… c’est que notre penseur continuait de marcher, non pour renier les kilomètres déjà parcourus, mais pour enrichir et approfondir ce qui lui apparaissait comme réalités cognitives, affectives, pédagogiques essentielles à décrire.
Au cours de ce premier chemin, il mit ses travaux à la disposition des pédagogues et des enseignants (Pédagogie des moyens d’apprendre 1982, Le dialogue pédagogique avec l’élève 1984) pour leur permettre d’enrichir leur point de vue didactique et de s’initier à la diversité des projets et des habitudes de sens de leurs élèves. Certains expérimentalistes et théoriciens s'emparèrent des découvertes de notre penseur pour donner naissance à une théorie de l’action pédagogique qu’ils appelèrent « Gestion mentale ». Cette théorie n’eut jamais comme prétention d'épuiser tous les sens possibles des intuitions d'Antoine de la Garanderie ; et celui-ci n’eut pas l’ambition de restreindre la « Gestion mentale » à sa seule personne. La « Gestion mentale » fut une forme de modélisation des travaux d'Antoine de la Garanderie mise au service de la pédagogie .
Tout fut-il dit ? Assurément non ! À la fin des années 1980, devant les résistances et les objections faites à ses recherches et aux modélisations proposées, Antoine de la Garanderie s’engagea sur un chemin réflexif et critique (deuxième chemin de vie intellectuelle) : « Quelle valeur épistémologique ont donc mes travaux ? Quels en sont les fondements philosophiques ? Ne reposent-ils que sur du vent ? ». Il eut alors cette exigence de rendre compte de la validité épistémologique de ses descriptions des actes de connaissance ; il s’inscrivit dans un horizon de sens phénoménologique pour montrer comment tout acte de connaissance suppose des conditions transcendantales (projet de sens, atmosphère de sens, lieu de sens) et s’exprime par une forme intuitive appelée vécu de sens. Il fallut démontrer que l’introspection (Défense et illustration de l'introspection, 1989) n’était en rien une méthode subjective et relative, mais qu’elle nous permettait, comme méthode eidétique, de constituer peu à peu une science des actes de connaissance (lire Comprendre les chemins de la connaissance, 2003). Ce chemin réflexif et épistémologique connut son sommet philosophique avec la parution de cet ouvrage majeur pour les sciences humaines : La Critique de la raison pédagogique (1997).
Quel chemin de pensée difficile, vallonné de difficultés phénoménologiques, qu’Antoine de la Garanderie poursuivit avec ténacité et générosité ! Générosité ? Oui, car notre homme ne manquait pas de grandeur d’âme (la magnanimité autre nom de la liberté généreuse) : il était au service d’une humanité en quête d’un plus être de connaissance. Ce fut alors qu’il s’engagea sur un troisième chemin de vie intellectuelle, un chemin éthique (à partir de 2004, notamment avec la publication de Plaisir de connaître – Bonheur d’être). Ethique, oui, mais en quel sens ? Il se rendit compte combien Spinoza n'avait jamais abandonné son cœur de philosophe depuis ses études à l'université de Rennes dans les années 1940. Spinoza ne nous a pas enseigné la morale, car il n’a jamais souhaité obliger l’homme à vivre sous des contraintes transcendantes (le bien en soi, le juste en soi), ni le soumettre aux forces des devoirs (moral, pédagogique, politique), encore moins le contraindre à exister à partir de normes établies par des maîtres de savoir et de pouvoir. « Allons donc, se répétait Antoine de la Garanderie dans sa tête, ces exigences formalisent et conditionnent le comportement humain ! Favorisent-elles la découverte des chemins de liberté pour l'homme ? Assurément non ! » Notre penseur eut vite cette conviction, chemin faisant, que là où la morale (notamment du savoir) obligeait, l’éthique libérait. Car l’éthique - et notamment celle de Spinoza – vise un plus d’être pour l’homme : non pas le bien et le mal (non pas la bonne ou la mauvaise réponse suivant des attendus pédagogiques déterminés à l'avance), mais ce qui est bon ou mauvais pour l’affirmation du pouvoir d’être et du pouvoir de sens de l'homme. Moins l’homme est en mesure d’affirmer ce pouvoir d’être, plus il est empli de tristesse, et moins il éprouve de l’appétit de sens, et moins encore il a le désir de se mettre en mouvement de sens (démotivation). Mais plus l'homme s’efforce d’être et affirme ses possibilités d’être, plus il éprouve une joie d’être, et plus encore son être se met en mouvement de sens (motivation). Oui, le bonheur d'être, et d’être quelque chose de plus, par le plaisir de connaître, qui n’est en rien un plaisir d’état (jouir de la possession de biens extérieurs), mais un plaisir d’acte (affirmer et enrichir son pouvoir de sens) ! Ce fut là le chemin éthique de notre penseur.
Renonça-t-il à son âme de pédagogue ? Bien au contraire ! Il donna à la pédagogie une signification toute nouvelle : sa vocation n’est pas seulement de conduire (ago) l’enfant (pais) vers le savoir ; elle a aussi comme finalité d’offrir à l’enfant des outils de connaissance pour libérer en lui son pouvoir de sens, et pour lui permettre de viser un plus d’être. L’enfant, comme tout homme, est un être d’idéal, à condition qu’on lui montre le chemin ; ne porte-il pas, dans le secret de son âme, une exigence d'infinité (un infini de mouvement ou de temps ou d’espace), le désir d’un au-delà d’être ? Notre penseur fit là une découverte essentielle : chaque enfant a le souci de vivre le sens au-delà de l’ici et du maintenant, comme par anticipation, dans un imaginaire d’avenir qui ne serait pas prisonnier du temps ou de l’espace présents. Notre homme s’avisa que cette aspiration à l’infini permettait à l’enfant de libérer ses intuitions de sens.
Antoine de la Garanderie entrait ainsi dans son quatrième chemin de vie : le chemin théologique. « Il se pourrait, supposa notre penseur, que l’aspiration à l'infini cachât chez l’homme le désir de retrouver Dieu, en cheminant patiemment, en procédant par tâtonnements et erreurs, en suivant donc une lente évolution. » L'évolutionnisme convergent (vers le point oméga) de Teilhard de Chardin joua un rôle déterminant dans ses nouvelles intuitions (la première œuvre à vocation théologique date de 2005 Le sens de Dieu chez Spinoza et Teilhard de Chardin). Il se risqua à des analyses audacieuses sur le sens de Dieu : n’est-il pas un être d’amour, dans l’attente que l’homme se réalise et parvienne à le retrouver ? N’est-ce pas là l’ultime possibilité pour Dieu de s’accomplir comme être d’amour ? Certains hommes s’efforcent de cheminer vers Dieu par le mouvement, d’autres par le temps, d’autres encore par l’espace. Il prolongea ainsi ses intuitions pédagogiques au service de son questionnement théologique.
Puis notre homme perçut dans les derniers mois de sa vie, qu’il ne pouvait plus défricher les chemins rarement empruntés ; il sentit ses forces intellectuelles diminuées peu à peu ; il s’abandonna alors à l’amour de Dieu, méditant cette phrase admirable de Simone Weil dans La Pesanteur et la grâce : « Dieu m’a donné l’être pour que je le lui rende ».
Tels furent les chemins de pensée d’Antoine de la Garanderie."
Elegante, como só os franceses da velha guarda sabiam ser, velhos cavaleiros.
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